La prospective à l'épreuve de la robustesse

Les changements globaux que nous avons initiés nous dépassent et il devient évident que nous ne pouvons plus contrôler ces processus de dimension tellurique dans les décennies à venir.
Dans ce monde turbulent, le long (moyen) terme n'existe plus...
Si nous partons du constat que plus rien ou presque n'est prévisible (1) étant donné l'incertitude croissante dans laquelle nous sommes de part l'état de la planète et des écosystèmes, faire de la prospective a-t-il encore un sens ?
S'il devient impossible de prévoir, la prospective qui vise à se préparer à ce qui va advenir devient beaucoup moins pertinente.
La prospective qui invite, quant à elle, à imaginer des futurs souhaitables pour les faire advenir ne semble pas beaucoup mieux servie...

Alors que faire, abandonner toute idée de prospective ?

Olivier Hamant, dans son livre "La 3ème voie du vivant", nous invite à apprendre à vivre en perdant le contrôle. A "vivre avec" plutôt que "d'aller vers..." S'appuyant sur le fonctionnement du vivant, il décrit la robustesse, cette capacité à se maintenir stable (sur le court terme) et viable (sur le long terme) malgré les fluctuations.
Cette robustesse se décrit succinctement par trois aspects :
  • la capacité à rester "adaptable" (et pas adapté), à accueillir l'imprévu
  • la capacité à coopérer même si, sur certains points, cela nous rend moins performant individuellement
  • la capacité à rester dans les cycles (naturels et humains)

Ne devrions-nous pas recentrer la prospective sur la recherche des moyens à activer dans une communauté pour rester adaptable, pour innover socialement, pour densifier nos liens, nos inter-dépendances ? Toutes ces choses qui dépendent principalement de nous et qui donc, peuvent être pensées avec un peu plus de perspective que juste quelques années.

La prospective reste sans doute un outil intéressant car il permet aux humains de se projeter, de trouver du sens dans un demain (même incertain), de garder espoir et d'éviter ainsi le chacun.e pour soi dans une ambiance "no futur" délétère. Mais la prospective doit sans doute se recentrer sur le moyen, court terme et chercher à travailler d'abord sur la robustesse plutôt que sur l'adaptation ou l'aspiration à faire advenir un futur devenu trop incertain.


(1)) Tous les rapports scientifiques (GIEC, IPBES, UICN...) concluent que nous allons vers un monde fluctuant ou toutes les précisions sortent des moyennes et même des écarts-types. Les valeurs extrêmes deviennent la norme.